Amas globulaires : des étoiles extrêmement massives pour expliquer leurs signatures chimiques
Des étoiles d’une masse exceptionnelle, bien supérieures à celles habituellement prises en compte, sont proposées comme solution à une vieille énigme des amas globulaires. Une équipe internationale dirigée par Mark Gieles (ICCUB, IEEC, Universite de Barcelone) publie dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society un modèle liant la formation des amas et leurs anomalies chimiques observées aujourd’hui.
Contexte historique et scientifique
Depuis les annees 1960, la theorie des etoiles supermassives – objets contenant plusieurs centaines de masses solaires – a sollicite des physiciens de premier plan comme Richard Feynman, Subrahmanyan Chandrasekhar, Kip Thorne et James Hartle. A l’epoque, ces etudes s’inscrivaient aussi dans le contexte de l’enigme des quasars, d’abord interpretes par certains comme des objets proches tres rouges, puis identifies comme lies a des trous noirs supermassifs a grande distance.
Le probleme des compositions chimiques des amas globulaires
Les amas globulaires sont des concentrations spheroïdales et denses de quelques centaines de milliers d’etoiles, formees dans les premiers milliards d’annees de l’univers. Ils abritent principalement des etoiles de faible masse et tres vieilles, typiquement agees de 10 a 13 milliards d’annees. Pourtant, leurs membres montrent des abondances anormales d’elements legers et intermediaires – azote, oxygene, sodium, magnesium, aluminium – difficiles a concilier avec une formation initiale a partir d’un gaz chimiquement peu evolue et sans episodes de formation posterieure importants.
La proposition de Gieles et ses collegues
En modelisant plus finement le comportement du gaz turbulent a l’origine des amas, l’equipe conclut que des « etoiles extremement massives » (EMS), de l’ordre de 1 000 a 10 000 masses solaires, ont tres probablement existe dans les amas globulaires jeunes. Ces EMS, par des reactions nucleaires a haute temperature et des vents stellaires puissants, auraient enrichi le gaz environnant en elements transformes, lesquels se seraient mixes au gaz primordial avant de former une nouvelle generation d’etoiles chemicamente distincte.
- Ces quelques EMS suffiraient, selon le modele, a laisser une empreinte chimique durable sur l’ensemble de l’amas.
- Les EMS sont tres instables et devraient s’effondrer en trous noirs de masse intermediaire (quelques centaines a quelques centaines de milliers de masses solaires).
- Les conditions de densite dans les amas facilitent ensuite les fusions, offrant ainsi un chemin naturel de formation des trous noirs de masse intermediaire observes ou suspects dans certains amas.
Dans le communique de l’universite de Barcelone, Mark Gieles resume : « Notre modele montre que quelques etoiles extremement massives suffisent a laisser une empreinte chimique durable sur un amas entier. » Laura Ramirez Galeano et Corinne Charbonnel (Universite de Geneve) soulignent que la nucleosynthese dans ces etoiles peut produire les profils d’abondance observes et que le modele propose une voie naturelle pour leur formation dans des amas massifs.
Implications et perspectives
La theorie apporte plusieurs avantages :
- Elle fournit une explanation plausible aux anomalies chimiques des amas globulaires sans recourir a des episodes importants de formation stellaire posterieure.
- Elle lie la presence probable de trous noirs de masse intermediaire aux premiers stades evolutifs des amas.
- Elle s’inscrit dans un cadre plus large ou les EMS pourraient egalement avoir influence la formation des premieres galaxies. L’astrophysicien Paolo Padoan note que la luminosite et la production chimique de ces etoiles rendent compte des proto-galaxies enrichies en azote observees par le telescope spatial James-Webb lorsque l’univers etait jeune.
Reste a confirmer ces scenarios par des observations et des modelisations supplementaires. Les signatures directes des EMS ont disparu, mais leurs traces chimiques et la presence possible de trous noirs de masse intermediaire dans les amas offrent des pistes testables pour valider ou infirmer ce modele.
Conclusion
Le travail de Gieles et de ses collegues replace la question des objets tres massifs au coeur des reflexions sur l’origine et l’evolution des amas globulaires. En reliant formation, nucleosynthese et evolution dynamique, cette proposition offre un cadre coherent pour comprendre des observations anciennes qui restaient jusqu’ici mal explicitees.




