Au Salon international de l’Air et de l’Espace du Bourget en juin 2025, le stand de l’Agence innovation défense (AID) a résumé la nouvelle orientation du spatial français : renforcer les capacités de défense. Cette priorité a été soulignée lors de la visite d’Emmanuel Macron au salon.
Un cadre opérationnel déjà solide
La France dispose d’un appareil spatial militaire établi. Le Commandement de l’Espace (CDE), rattaché à l’Armee de l’Air et de l’Espace, pilote les operations spatiales de soutien aux autres armes : communications securisees via les satellites Syracuse en orbite geostationnaire, imagerie optique haute resolution avec la constellation CSO, renseignement electromagnetique avec Ceres. Le CDE participe aux exercices otaniens et organise chaque annee AsterX, son exercice dedie a la guerre spatiale.
Malgre ces atouts, les infrastructures francaises restent en retrait par rapport aux moyens russe, chinois et americain. La Direction generale de l’armement (DGA) s’appuie donc sur le New Space francais pour accelerer des progres a moindre cout, via l’AID qui identifie et adapte des technologies civiles a des usages defense.
Renforcer le renseignement depuis l’espace
L’AID pilote plusieurs missions tests pour diversifier et accroître les capacites de renseignement :
- Hyp4u (2026) : test d’imagerie hyperspectrale, utile pour le de-camouflage, en partenariat avec la start-up niçoise Sophia Engineering, qui envisage une constellation.
- Cobraa (en cours) : exploitation du satellite prototype ProtoMethée de la start-up Prométhée pour traiter les images a bord et accelerer l’aide a la decision.
- Flore : demonstrateur nanosatellite d’ecoute electromagnetique pouvant trianguler un signal avec un seul satellite; partenariat avec Unseenlabs, specialisee dans l’écoute maritime.
- Repttil : test de connexion inter-satellite entre ProtoMethée et la constellation IoT Kinéis pour transferer des donnees sans relais au sol.
- Picasso : projet d’aide au traitement massif d’images satellitaires pour detecter les changements de paysage (construction de routes, etc.).
Signalons aussi le lancement de CSO-3 en mars 2025 par Ariane 6 : ce satellite de plus de trois tonnes renforce l’imagerie optique nationale.
Diversifier les communications par satellite
Avec l’arrivee des constellations de communications en orbite basse, l’AID teste des solutions pour completer Syracuse :
- Keraunos (en cours) : lien optique entre un nanosatellite d’Unseenlabs et une station au sol de Cailabs; succes de principe obtenu.
- Teleo : communication laser avec optique adaptative, porte par l’Onera et embarquee sur un satellite geostationnaire construit par Airbus Defence & Space; essai de haut debit reussi l’annee derniere.
- M3sfa : test d’antennes compactes, legères et bon marche pour terminals au sol, porte par la start-up Greenerwave.
Soutenir les operations au sol
Le spatial doit egalement ameliorer le soutien aux forces sur le terrain :
- K-Trace : nouvelle balise de geolocalisation developpee par Kinéis, avec bouton SOS pour porter secours aux soldats en danger.
- Mil-IOT : integration de l’internet des objets par satellite via la constellation Kinéis sur les theatres d’operations.
- Target One : projet avec Geoflex pour affiner la precision des coordonnees de cibles et tester la resilience face au brouillage; evaluation sur differents systemes GNSS (GPS, GLONASS, BeiDou, Galileo).
- Sonde teleoperee : essai de dispositifs de telemedecine pour la Marine, tire de l’experience du CNES dans le suivi sanitaire des astronautes.
Se preparer a la guerre en orbite
La securite en orbite est un sujet sensible depuis l’espionnage du satellite franco-italien Athena-Fidus en 2018. Plusieurs programmes de demonstration sont en cours ou projetes :
- Yoda : demonstrateur en orbite geostationnaire, concu par Hemeria, pour tester des maneuvres et operations spatiales complexes.
- Toutatis : paire de nanosatellites en orbite basse pour simuler des scenarios de confrontation; developpes par U-Space.
- Salazar : etude preliminaire sur l’interception d’objets spatiaux par le vehicule Interceptor de la start-up Dark; projet abandonne pour raisons de financement et arret d’activite de Dark.
- Bloomlase et Flamhe : essais de neutralisation visuelle ou par laser de satellites depuis le sol, le second visant des lasers de haute energie militarises.
- Delf.SSA : utilisation d’intelligence artificielle de Delfox pour améliorer la surveillance du trafic orbital, en partenariat avec ArianeGroup (reseau de telescopes Helix) et Exotrail.
Faciliter l’acces a l’orbite
Pour diversifier les moyens de mise en orbite et reduire les couts, l’AID soutient des initiatives privees :
- Dephys : vol test du micro-lanceur hybride de la start-up HyPrSpace.
- Yoda et SpaceVan : le demonstrateur Yoda doit etre place en orbite intermediaire par un lanceur puis remonte vers son orbite finale grace au vehicule de transfert SpaceVan d’Exotrail pour economiser du carburant.
Conclusion
L’AID joue un role d’accelerateur: elle repere des technologies civiles prometteuses et les teste pour des usages militaires, en capitalisant sur l’ecosysteme New Space francais. Les programmes presentés au Bourget montrent une strategie en plusieurs volets : renforcer le renseignement, diversifier les communications, soutenir les forces au sol, se preparer a la confrontation en orbite et ameliorer l’acces a l’espace. Ces efforts restent tres dependants de financements et de partenariats industriels, mais ils dessinent une trajectoire claire pour renforcer l’autonomie et la resilience du spatial de defense francais.




