Debian, l’une des distributions Linux les plus anciennes et les plus influentes, a annoncé qu’elle allait restructurer sa stratégie de développement en faisant de Rust un langage central pour des outils système et des paquets à venir.
L’annonce et les détails
Julian Andres Klode, développeur Debian de longue date et mainteneur principal de l’Advanced Package Tool (APT), a indiqué sur la liste des développeurs Debian que Rust deviendra une dépendance requise pour le gestionnaire de paquets APT.
Klode précise son intention « d’introduire des dependances Rust obligatoires et du code Rust dans APT, au plus tot en mai 2026. Cela s’etend dans un premier temps au compilateur Rust et a la bibliotheque standard, ainsi qu’a l’ecosysteme Sequoia ».
Sequoia est un projet Debian visant a fournir une implementation OpenPGP en Rust.
Pourquoi Rust?
Selon Klode, le code charge de parser les fichiers .deb, .ar, .tar et celui de verification des signatures HTTP tirerait un grand avantage de langages garantissant la securite memoire et d’une approche renforcee des tests unitaires. Rust, par sa conception, limite les erreurs de gestion memoire courantes dans les codes C et C++ – debordements de tampon, dereferences nulles, conditions de concurrence…
Impact sur Ubuntu, Mint et autres distributions basees sur Debian
APT etant au coeur de Debian, la plupart des distributions basees sur Debian, comme Ubuntu, Linux Mint ou MX Linux, utiliseront des composants APT en Rust. Certaines organisations ont deja commence a integrer Rust: Canonical, par exemple, a introduit Rust dans certaines parties d’Ubuntu, notamment pour sudo.
Reactions et controverses
La decision suscite des reactions diverses parmi les developpeurs. Klode a ete clair sur les consequences: « Si vous maintenez un port sans une toolchain Rust fonctionnelle, veuillez vous assurer qu’il en dispose dans les six prochains mois, ou sundownnez le port. »
Cette formulation a ete percee comme abrupte par certains: John Paul Adrian Glaubitz a fait part de sa deception devant « une approach si confrontante » pour annoncer le changement. Bjorn Mork a, lui, doute de l’efficacite d’une reimplementation: « Reecrire du code signifie introduire de nouveaux bugs, que les outils les detectent ou non. Meme en admettant que nous ayons moins de bugs graves a terme, combien de temps cela prendra-t-il? Sommes-nous censés accepter des regressions pendant un moment, pendant que les reimplementations Rust rattrapent ce que nous avons aujourd’hui? »
Klode a minimise ces critiques en rappelant que « Rust est deja une dependance forte pour la plupart des ports Debian, donc ce n’est guere surprenant ».
Architectures affectees et calendrier
Selon les echanges, seules quatre architectures anciennes ne disposent pas encore d’un ecoin Rust fonctionnel: alpha, hppa, m68k et sh4. Si les developpeurs de ces ports ne peuvent pas fournir un support Rust, la porte est ouverte a leur abandon. Comme le note un commentateur sur LWN, cela pose plutot la question de la vitalite de ces ports que celle de Rust elle-meme.
La prochaine version majeure de Debian, Forky (Debian 14), prevue pour la mi-2026, devrait integrer Rust de facon plus profonde non seulement dans APT, mais egalement dans d’autres utilitaires centraux, l’infrastructure de construction et des modules critiques pour la securite.
Alternatives et perspectives
Des distributions basees sur Debian qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas adopter Rust peuvent choisir des trajectoires differentes. Le projet antiX, par exemple, continue de se baser sur des versions plus anciennes de Debian – comme Debian 12 ‘Bookworm’ – pour conserver un support des materiels 32 bits.
La plupart des developpeurs finiront probablement par adopter Rust; le langage n’est pas insurmontable a apprendre et facilite l’ecriture de code memoire-securise. Pour ma part, apres avoir combat des problemes memoire en C, j’accueille favorablement l’integration de Rust dans les distributions Linux et leurs composants critiques.




