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Droits d'auteur et IA générative : la Scam face au défi des plateformes

Droits d'auteur et IA générative : la Scam face au défi des plateformes

5 novembre 2025

Jamais un accord d’une telle ampleur n’avait été conclu entre un acteur culturel majeur et une société d’intelligence artificielle générative. Le 30 octobre dernier, le label Universal a autorisé la plateforme Udio à utiliser les œuvres de ses artistes pour générer des musiques, moyennant une rémunération dont le montant n’a pas été rendu public. Cet accord illustre l’urgence d’une régulation et la montée des tensions entre auteurs et développeurs d’IA.

La position de la Scam et l’absence d’avancées

En France, les sociétés d’auteurs privilégient la négociation avec les opérateurs d’IA. La Société civile des auteurs multimédia (Scam) représente quelque 37 000 auteurs issus du cinéma, de l’audiovisuel, de la littérature, de la photographie, du journalisme et de la traduction. Malgré de nombreuses démarches, son directeur général Hervé Rony souligne le peu de résultats concrets obtenus à ce jour.

Selon lui, la Scam et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) ont multiplié les courriers – environ 170 adressés aux opérateurs d’IA identifiés – mais sans accord global. Les négociations portent sur deux axes principaux :

  • le pouvoir d’autoriser ou d’interdire l’entraînement des modèles sur des œuvres protégées et la transparence des opérateurs sur l’usage des données ;
  • la capacité à établir la part du chiffre d’affaires des plateformes attribuable à l’exploitation des œuvres et à convenir d’un pourcentage de reversement sous forme de droits d’auteur.

Propositions juridiques et action publique

Dans un rapport publié le 9 deccembre 2024 pour le Conseil supérieur de la proprie9 litte9raire et artistique (CSPLA), la professeure Alexandra Bensamoun (Universite9 Paris-Saclay) recommande d’instaurer une pre9somption de protection pour les oeuvres pre9empte9es par les IA afin d’encadrer les ne9gociations. Le ministe8re de la Culture a par ailleurs lance9 une concertation depuis le 2 juin 2025 pour encourager les de9veloppeurs d’IAg e0 dialoguer avec les socie9te9s d’auteurs.

Scepticisme sur l’issue des pourparlers

Herve9 Rony se montre peu optimiste : selon lui, les de9veloppeurs d’IAg n’ont ni incitation e9conomique ni volonte9 politique suffisantes pour engager de vraies discussions. Pour ces acteurs, les nouvelles technologies sont pre9sente9es comme des outils d’assistance valorisant le travail des utilisateurs, et ils rejettent en bloc la responsabilite9 sur les reproductions d’oeuvres.

Rony met aussi en garde contre un argument couramment avance9 selon lequel la mise en ligne ou l’aspiration d’oeuvres par des IA profiterait aux auteurs en augmentant leur visibilite9. « C’est un argument pernicieux », dit-il, rappelant que les re9ponses de syste8mes comme ChatGPT ne sont pas toujours source9es et que les auteurs ne sont pas cite9s syste9matiquement, meame lorsque leurs oeuvres servent de base.

Risques concrets identifie9s

Trois risques principaux sont souligne9s pour les artistes et auteurs :

  • l’utilisation d’oeuvres pre9empte9es sans autorisation ni cadre re9glementaire ;
  • la manipulation des contenus entrainant des de9rives de9ontologiques (montages trompeurs, faux archives, transformations non souhaite9es) ;
  • la dilution des droits via des mises e0 disposition gratuites ou non reconnues, remettant en cause la protection financie8re des auteurs.

Encadrement le9gal et actions possibles

La directive europe9enne de 2019 pre9voit deux exceptions au droit d’auteur concernant la fouille de textes et l’extraction de donne9es : ces exceptions s’appliquent principalement e0 la recherche publique et e0 des reproductions lorsque les œuvres sont accessibles licitement et que les titulaires de droit ont autorise9 cet usage. Dans la pratique, il reste difficile de de9montrer la pre9sence d’oeuvres prote9ge9es dans les corpus utilise9s pour l’entraînement des IA.

Sur le plan judiciaire, Herve9 Rony estime que les proce8s et les dispositifs coercitifs pourront faire pression, mais il rappelle le contexte ge9opolitique : la re9gulation de l’IA est au coeur d’un affrontement entre les Etats-Unis et l’Union europe9enne, et certaines re9ticences politiques existent quant e0 des interventions tre8s strictes, par crainte de ripostes e9conomiques.

Conclusion

Le de9bat reste ouvert. L’accord entre Universal et Udio montre qu’il est possible d’envisager des modes de compensation, mais la majorite9 des socie9te9s d’auteurs, dont la Scam, conside8rent que des garanties le9gales et des me9canismes collectifs sont ne9cessaires pour prote9ger les droits et les revenus des auteurs face e0 l’expansion rapide des technologies d’IAg.

Auteur
Henri
Rédacteur invité expert tech.

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