Elon Musk et le ‘parasol’ spatial pour le climat : idee technique ou chimere ?

Le 3 novembre 2025, Elon Musk a relancé le debate sur les solutions technologiques au changement climatique en suggerant sur X la mise en place d’une « grande constellation de satellites » solaires, diriges par l’intelligence artificielle, pour ajuster la quantite d’energie solaire atteignant la Terre. Cette proposition, vue pres de sept millions de fois, a ravive les questions sur la faisabilite, le cout et les risques d’une telle entreprise.

Un constat partage, des solutions controverses

Contrairement a Donald Trump, Elon Musk affirme que le changement climatique « est une realite » et critique le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris. Reste que reconnaitre le probleme ne signifie pas s’accorder sur les moyens de le combattre. La piste avancee par Musk s’inscrit dans une logique de technosolutionnisme : la foi qu’une technologie puisse contrebalancer les dommages causes par d’autres technologies ou activites humaines.

Quelle proposition exactement ?

Musk a propose d’utiliser une constellation de satellites alimentes a l’energie solaire et controles par intelligence artificielle pour former un ecran partiel entre le Soleil et la Terre, « en ajustant legerement la quantite d’energie solaire atteignant la Terre ». Le message ne s’accompagnait d’aucune explication technique detaillee ni de plan deploiement. Par le passe, Musk avait evoque des idees proches pour terraformer Mars, allant jusqu’a suggerer des satellites-reflecteurs ou, plus radicalement, le detonnement d’une arme nucleaire pour rechauffer la planete rouge.

Ce que disent les chercheurs

Un article de The Conversation, signe par Emmanuelle Rio, Francois Graner et Roland Lehoucq, nuance fortement l’idee. Ils rappellent que des boucliers multiples existent deja a petite echelle pour proteger des satellites individuels, comme le bouclier du telescrope spatial James Webb. Mais etendre le principe a l’echelle planétaire est une autre echelle de difficulte.

• Surface a couvrir : la Planetary Sunshade Foundation a calcule qu’un seul parasol place a 1,5 million de km de la Terre devrait avoir un rayon d’environ 640 km pour reduire le flux solaire d’environ 1 %.
• Cout et logistique : des chercheurs suedois estiment le cout entre 5 000 et 10 000 milliards de dollars, en envisageant l’envoi de 34 millions de tonnes de miroirs dans l’espace.
• Capacite actuelle : depuis le debut de l’ere spatiale, l’humanite a envoye environ 16 500 tonnes de materiel en orbite, soit 0,04853 % de la masse requise; meme avec de grands lanceurs comme le Starship, il faudrait des centaines de milliers de lancements.

Risques et effets pervers

Les auteurs et d’autres experts soulignent plusieurs limites et dangers potentiels :

• Consommation de ressources et emissions : la fabrication et le lancement massifs de materiaux requerraient des matieres premieres et beaucoup d’energie, ce qui pourrait aggraver le changement climatique avant de le corriger.
• Effet rebond : croire le probleme resolu par un parasol spatial pourrait réduire l’effort de mitigation terrestre, relancer la croissance emissoire et rendre la solution insuffisante.
• Gestion operationnelle : suivre la trajectoire de millions d’engins, prevenir les collisions et gerer les dechets spatiaux seraient des defis majeurs.
• Gouvernance et souverainete : des satellites capables d’influencer le climat mondial posent des questions de pouvoir et de decision internationale, susceptibles de provoquer des tensions geopolitique.
• Consequences imprevisibles : modification des dynamiques atmospheriques regionales, impacts ecologiques et risques lies aux tempetes solaires. En 2022, SpaceX a perdu 40 satellites Starlink lors d’evenements geosolaires severes, montrant la vulnerabilite d’une infrastructure spatiale etendue.

Conclusion

La proposition d’Elon Musk relance un debat legitime sur les moyens de lutter contre le rechauffement climatique. Toutefois, a l’heure actuelle, l’idee d’une vaste constellation de satellites agissant comme un « parasol » planetaire se heurte a des obstacles techniques, economiques, environnementaux et politiques considerables. Pour beaucoup de spécialistes, ces incertitudes et ces couts rendent la piste illusoire et invitent plutot a privilegier des mesures de reduction des emissions et d’adaptation sur Terre.